La médiocrité refuse toujours d'admirer.

Publié le par abbé Gédéon

 

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PETIT EXERCICE D'ADMIRATION

Contemplation publique pour sauver la vérité de l’enfermement stérile de l’intransigeance. 

Avec un transport qui m’a valu moult réprimandes prévisibles, mais aussi moult louanges ambiguës, j’ai précédemment exhorté à entretenir notre capacité d’offuscation. Ceux qui m’auront bien lu y ont décelé dès l’introduction le souci brûlant devant un enjeu majeur pour la charité que l’on doit à nos contradicteurs, et pour cette charité que l’on se doit à soi-même, celle de savoir admirer. 
Le problème avec les pamphlets, qu’il est si savoureux d’écrire, c’est qu’ils fournissent des armes de récupérations faciles aux causes imbéciles qui s’en repaissent, comme des armes imbéciles aux causes nobles qui en pâtissent. 
Redoutant cet usage abâtardi d’un simple et sain exercice défoulatoire et dénonciatoire, je m’empresse, autant que plume peut suivre, d’y ajouter ce second volet, absolument nécessaire à l’interprétation juste du premier. D’aucuns y verront contradiction, certains y dénonceront incohérences autant qu’inconséquences d’autres encore y discerneront paradoxes, les plus malins comprendront simplement que Descartes n’est pas de ma paroisse. 

Tout le monde connaît cet adage selon lequel « sans la liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur ». Cela est bel et bon, mais j’y veux ajouter que sans la capacité d’admirer, il n’est pas d’esprit frondeur. Sans cette capacité d’hommage à l’adversaire, le combattant n’est plus qu’un destructeur. 
Il y a trop, dans nos rangs, de mercenaires qui préfèrent le combat pour la vérité que son rayonnement. S’ils sont de tempérament offensif, ils raffolent de lutter contre la nuit, mais le jour ne les intéresse pas. S’ils sont plus pusillanimes, ils dénonceront inlassablement tous les martyres dont ils sont victimes, mais scruteront désespérément les périodes d’accalmie tant la paix les panique. 
Avec effroi et un vrai froid dans le dos, je constate l’amer besoin qu’ont nos militants contemporains de vénérer ou mépriser, incapable d’admirer . « La médiocrité refuse toujours d'admirer » nous avertit Joseph de Maistre.

Je revendique le droit d’admirer un adversaire, voire même un concurrent, de ceux là qui nous sont proches sans nous être clone, et pourquoi pas un ennemi, de ceux-là dont la proximité se rappelle à nous par les équimoses et les cicatrices que nous tenons d’eux. 
J’admire ceux dont le péché est un excès de vertu, et dont les écarts sont des débordements d’absolu. J’admire ceux qui défendent leur erreur avec plus de feu que je ne le fais de la vérité. J’admire ceux qui se trompent par refus de se mentir. J’admire ceux qui m’agacent à vouloir me joindre à leur mauvaise cause, plus que ceux qui me laissent croupir dans ma vérité pour préserver le confort de la leur. J’admire ceux qui s’égarent pour ne pas mouiller au mauvais port. J’admire plus l’adversaire que le combat n’a pas rendu haineux, que l’allié dévoré de colère. Plus celui qui défend une mauvaise cause avec de nobles procédés que celui qui défend la bonne avec des moyens honteux. 

Que mes alliés me permettent d’admirer mes adversaires sans y voir de trahison, que mes amis m’accordent d’aimer mes ennemis, sans y déceler de corruption. 

À tel moderne cathare qui affichait comme une distinction son très peu évangélique mépris vis-à-vis de courageux tâtonneurs spirituels qui n’étaient pas dans la ligne, à celui-ci qui, suite à mon exhortation au savoir exécrer, savourait que « Nous, au moins, si nous n’avons pas l’assise de la Charité, pouvons nous prévaloir de celle de la vérité » (sic et snif), à ce Jean-roncle qui crut me faire plaisir en m’englobant péremptoirement dans sa très vaniteuse auto-satisfaction, à celui ci, donc, je tenais à signaler que c’est bien son cocktail de dithyrambes fangeuses et d’éloges malsaines qui m’a décidé à publier cette suite. 
Lui et le splendide rappel d’un Saint François de Sales : « la vérité qui n’est pas charitable procède d’une charité qui n’est pas véritable ». 

NON DILIGAMUS VERBO NEC LINGUA SED OPERE ET VERITATE. 
IN HOC COGNOSCEMUS QUONIAM EX VERITATE SUMUS… 

(I Jn 3,18-19) 

 

Publié dans États d'âme

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